L’IMAGE PROJECTIVE, UNE ANTICIPATION UTOPIQUE DU RÉEL ?
PARCOURS : THÉORIES ET DÉMARCHES DU PROJET DE PAYSAGE
UE 3 : Projet de paysage et photographie – Année scolaire 2021-2022
SOMMAIRE
CENTRAL PARK : UN PROJET DE VILLE-PARC À LA COURNEUVE
Greenwashing, une arnaque à l’image de marque
Des codes visuels clichés ou stéréotypes, instruments clé du « marketing urbain »
Quand La Courneuve ressemblera à Manhattan avec son Central Park
Pour ou Contre le Central Park ?
JO 2024 : LE VILLAGE OLYMPIQUE AU CŒUR DU PARC DE LA COURNEUVE
La photo comme outil d’analyse d’un site.
Les JO 2024 « intensificateur urbain », utiles ou aberrants ?
LE PLUS GRAND LAC ARTIFICIEL DE BAIGNADE ECOLOGIQUE D'EUROPE EMERGERA EN 2022 À LA COURNEUVE
INTRODUCTION
Les images nous entourent, elles façonnent notre manière de percevoir le monde. Physique ou mentale, sur papier, sur écran ou seulement imaginée, la photographie a joué depuis longtemps un rôle déterminant dans le développement de la société moderne. C’est un moyen puissant de communication sociale, un outil scientifique, une forme d’expression artistique, une émotion, un objet, un personnage.
Les représentations des projets d’architecture ou de paysage, esquissés dans leurs principales composantes, donnent à voir une réalité qui n’existe pas encore. « Des images réalistes, le plus souvent des vues perspectives, préfigurent le projet, au sens où littéralement elles lui donnent forme et de manière anticipée. Elles permettent aux destinataires de se projeter dans l’espace et dans l’avenir. Bien qu’elles montrent souvent des aspects idéalisés de la réalité, elles affirment néanmoins dans leur énonciation globale la transparence de la représentation. »1
Au parc de la Courneuve, à la Seine-Saint-Denis, les images des projets à venir demeurent un outil important d’analyse et de critique. En se promenant aujourd’hui dans parc, le champ visuel du visiteur demeure limité par les bâtiments qui se trouvent à proximité.
En effet, accueillant près de 2 millions de visiteurs par an,2 l’emplacement du parc à proximité de Paris, et au sein d’un tissu urbain très dense, attire surement les promoteurs immobiliers et posent donc aujourd’hui la question de son avenir. Plusieurs projets ont été imaginé pour ce parc, certains verront le jour, d’autres seront abandonnés. Dans l’objectif de mieux comprendre l’impact de ces projets sur cet immense pôle vert de la Seine-Saint-Denis, une analyse des images de perspectives de ces projets demeure donc un outil crucial voire indispensable.
En effet, comment l’image peut-elle constituer un outil de préfiguration d’un projet ? Dans quelle mesure les perspectives de projets projettent-elles vraiment la réalité ? Quelles représentations et quels messages communiquent-elles ? Comment parviennent-elles à donner une représentation exquise et irréprochable du réel et dans quel objectif ? Constituent-elles vraiment une base fiable et scientifique pour juger d’un projet donné ? Quelles sont ses limites ?
L’image est certes un outil important de préfiguration d’un projet. Cependant, son aspect plutôt idéaliste que réaliste, pose aujourd’hui la question de sa fiabilité et de ses enjeux.
Afin de bien percevoir l’impact des projets à venir sur le parc de la Courneuve, des enquêtes de terrain, des reconductions à l’inverse des perspectives de ces projets, une comparaison entre la perspective actuelle et la perspective futur, ainsi qu’une comparaison avec les perspectives d’autres projets, seraient donc les méthodes de travail adoptés dans ce rapport. Pour chaque projet, une image prise de l’intérieur du parc et une image prise de l’extrémité du parc seront étudiés. Trois projets seront présentés : le projet de Central Park, le projet de JO 2024 et le projet des bassins de baignade.
CENTRAL PARK : UN PROJET DE VILLE-PARC À LA COURNEUVE
Dans l’objectif de favoriser une mixité sociale, Roland Castro3 a conçu le projet de Central Park à la Courneuve. Ce projet consiste à construire 24000 logements sur les franges du parc (fig.2), à l’image du projet de Central Park à New York. Il prévoit également des commerces, des services publics, des jardins partagés, plusieurs cinémas, un ministère…
Sa superficie étant d’environ 110 ha, ce projet amputerait donc, d'un quart de la surface du "poumon vert" de ce département pauvre et urbanisé au nord de Paris.
Etant l’un des rares sites urbains classés Natura 2000 : c’est le projet très controversé que défend Roland Castro. Le rêve d’architecte pose la question de la compensation écologique en ville : l’exercice peut-il réellement s’envisager dans une zone aussi dense que la Seine-Saint-Denis ?
Greenwashing, une arnaque à l’image de marque
Un lac au sein d’un espace vert serein, naturel, vide, libre, amorphe et un lac au sein d’un espace vert artificialisé, bruyant, actif, approprié, limité… deux ambiances différentes voire contraire peuvent animer un même lac dans un même espace. Dans cette première perspective du projet de Central Park, (fig.4) on peut bien ressentir une nouvelle ambiance qui se crée, un nouvel usage du parc.
Figure 5: Esquisse montrant la transformation du lac avec le projet de Central Park. Réalisé par : Bader.G.2021
En effet, en construisant sur les franges du parc, Castro ne change pas uniquement l’ambiance à l’interface entre le parc et la ville, mais il modifie aussi l’ambiance même au sein du parc.
En comparant ces deux images (fig.3 et fig.4), qui représentent à la fois l’état actuel du lac du parc et la perspective créée par Castro dans le cadre du projet de Central Park, on peut bien percevoir que la mutation la plus remarquable serait l’apparition d’une série de bâtiments avec une façade importante donnant sur le parc. Ces immeubles de logement présentent un Skyline irrégulier voire vif et agitant. Ça changera vraiment le paysage au niveau visuel et au niveau du ressenti. En regardant aujourd’hui à travers le lac, on ne voit rien que la forêt derrière, notre vue est libre et infinie. Alors qu’avec le Projet de Central Park, notre vue devient limitée par les bâtiments derrière, qui forment une sorte de barrière à la fois à notre champ visuel et à nos ressentis et nos rêves. On ne se sent plus vraiment au sein d’un parc complètement vert, calme, serin et détaché de la ville, ou on peut venir se reposer et faire de la méditation, mais plutôt dans une sorte d’écoquartier ou dans un petit jardin à côté de la maison. Tout devient bien cadré, bien limité, bien défini. L’homme devient présent, c’est lui qui s’approprie l’espace, la nature, le parc.
Le second changement majeur serait cet écran végétal qui se dessine devant les façades des bâtiments, une sorte de feinte pour faire croire au public qu’ils conçoivent une ville soutenable. Or en réalité ces petits arbustes qu’on « envisage » planter le long de la façade des logements seraient-ils suffisants pour juger d’un projet donné comme écologique et durable ? Ne seraient-ils pas juste un moyen pour faire croire au public que l’on construit un projet bien intégré dans le parc ?
D’autres éléments de greenwashing seraient le ciel et l’eau parfaitement bleus et l’état parfait de la pelouse. Un peu ironique à quel point les commerçants des projets tentent de nous faire rêver, dans un monde utopique, très beau, parfaitement stylisé à travers des petits codes visuels qu’ils intègrent dans l’image.
A cette très belle scène vient s’ajouter un élément majeur : la présence de l’Homme. Dans la perspective de Castro, on voit des enfants qui jouent et s’amusent, des familles, des amis...Alors que dans l’image du parc aujourd’hui, ce lieu est presque vide, très peu fréquenté. Tous ces éléments factices sont des arguments de vente, irréels, juste pour séduire le public et donner une image positive du projet. L’homme, l’eau, les espaces verts et les bâtiments formeront une seule entité, une représentation scénique riche et persuasive.
Vers un parc frequentee?
Une autre perspective du projet de Castro, (fig.10) montre l’interface du parc avec la route D114 qui borde le parc. Aujourd’hui, en se baladant en voiture sur la route, ou en marchant sur le trottoir à proximité du parc, on peut voir une voie ferrée et un espace vert la bordant des deux côtés, une sorte de curiosité qui incite le spectateur à aller visiter le parc, à le découvrir. En 2024, en se baladant sur la même route, on ne voit que les immeubles : une façade bétonisée très remarquable cachera quasi complètement la magie du parc qui se cache derrière elle. Ce projet traduit donc la domination de la ville sur le parc. Ce dernier devient désormais une partie d’un projet, et non plus un projet en lui- même.Pourquoi Castro a choisi de concevoir des constructions justes à côté de ce pôle de transport important ? En fait le projet de Central Park fait patri du projet de Grand Paris. Dans la perspective de Castro, cet espace serait un endroit mieux desservi, puisqu’on aura un pôle de transport important et bien aménagé qui sera mis en place, c’est pour cela qu’il a choisi de concevoir des constructions à cet endroit.
Aujourd’hui le parc est sous-fréquenté, à près de 5% de sa capacité, 4 et ceci est dû principalement à des problèmes d’accès. « Le parc Georges Valbon est enserré par des axes de transport, des voies rapides. Les accès y sont complexes, parfois dangereux, de nombreux parkings cernent chacune de ses entrées. Le parc Georges Valbon a une anomalie : les jeunes qui grandissent à la Cité des 4000 de La Courneuve ou Thorez à Dugny, voient de leurs fenêtres les arbres et les allées mais ne peuvent pas y accéder à pied ou à vélo facilement »5., Dans ce contexte, quelle valeur apportera alors ce projet au parc
Ce projet de gare et de Grand Paris va profondément transformer le parc, les Parisiens vont bcp plus venir, le public va changer, il sera plus facilement accessible et par conséquence plus fréquenté.
En outre, pareil à la perspective précédente, un greenwashing marque cette vue : un écran végétal se dessine devant les immeubles, une façon de récompenser la façade verte du parc, des espaces verts très bien aménagé, un tapis vert, les arbres… Bref, une scène très agréable et « écologique ». La présence humaine sur les trottoirs, demeure aussi un élément important qui dynamise cette perspective. On veut montrer que ce projet serait très fréquenté, que tous les gens, d’âge et de classes sociales différentes vont y venir.
Des codes visuels clichés ou stéréotypes, instruments clé du « marketing urbain » En comparant les deux perspectives précédentes de Castro, avec les perspectives d’autres projets semblables, on peut voir combien ils se ressemblent. En effet, on a des éléments « clichés de vente » qu’on retrouve dans les deux :
Fig. 10 et 11 ci-dessous : La famille qui se promène, le ciel et l’eau bleu, les écrans végétaux, la pelouse verte et bien propre… les mêmes codes utilisés et qui présentent des idées de concours.
Fig. 8 et 9 à la page 6 : le tapis vert sur lequel roule ce très beau tramway qui semble tout à fait non bruyant, les passerelles à côté, pleines de piétons (on va remmener du monde), les arbres plantés tout au long de la voie ferroviaire… « Le tramway représente une collectivité, alors que l'automobile est la marque de l'individualité »6. Bref, tous les clichés de la ville durable.
En voyant les mêmes effets visuels, qui se répètent dans plusieurs projets, l’image perd donc son unicité, de sa valeur et de sa crédibilité.
Quand La Courneuve ressemblera à Manhattan avec son Central Park !
Le Central Park new-yorkais a été le premier parc public américain entièrement conçu par l’homme. Il s’agit d’un espace vert d'une superficie de 341 hectares, situé dans l'arrondissement de Manhattan à New York. Il est conçu par l’architecte paysagiste américain Frederick Law Olmsted en 1873. Puisque le projet de Central Park de Castro a été largement inspiré du projet de Central Park de New York (d’où le même nom), une comparaison des deux parcs serait donc intéressante.
En effet, ces deux parcs (fig.12 et fig.13), présentent des ambiances très semblables. Dans les deux projets, on a une scène composée de l’homme, la nature, le vert et le béton. La présence de bâtiments aux alentours du parc marque l’espace et conjugue au parc une identité différente.
Cependant, dans Central Park à New York, la construction est nettement sur la frange du parc. En regardant la fig. 13, on voit bien la barrière végétale qui sépare le parc des bâtiments. En revanche, à la Courneuve, on a l’impression que le projet fait partie du parc, il n’est pas vraiment à la limite de ce dernier, (aucune séparation entre le parc et le bâti).
En effet, comme l’a déclaré Allain Provost, paysagiste et un des deux concepteurs du parc Georges Valbon à la Courneuve, « la comparaison avec le Central Park new- yorkais « est malhonnête. À New- York, les urbanistes ont construit autour de Central Park. Castro, lui, veut construire dans le parc ! »
C’est vrai que le Projet de Central Park à New York a connu un vrai succès, mais cela ne veut pas dire que son implantation à la Courneuve serait aussi une réussite, vu qu’aujourd’hui on est dans un concept sociétal totalement différent qu’à l’époque où était conçu le Central Park de New York.
Pour ou Contre le Central Park ?
Certes les points de vue sur la conception du Central Park à la Courneuve sont très variés. Certains vont encourager la mise en place de ce projet, d’autres vont y lutter, pour des raisons diverses.
« C'est une hérésie écologique ! Le projet détruirait 77 ha de ce parc, qui en compte 400, classés en zone Natura 2 000. » S’indigne Anne Noël, 49 ans, urbaniste à la communauté d'agglomération Plaine Commune.
« Nous proposons de bâtir une façade urbaine sur ce poumon vert afin que les six communes (La Courneuve, Stains, Dugny, Le Bourget, Saint-Denis et Garges-lès-Gonesse) qui aujourd’hui lui tournent le dos se retournent vers lui », décrit Silvia Casi, architecte chez Roland Castro
« L’urbanisation des franges du parc entraînerait une privatisation du parc au profit de ses habitants, et aurait des effets désastreux sur la nature », s’alarme Etienne Pennissat, porte-parole du Collectif pour la défense du parc, soutenu par les élus communistes des communes concernées.
« Cette compensation est un leurre. On ne reconstruit pas une zone Natura 2000 en un claquement de doigts. Et les logements qui pourraient être construits à la lisière du parc entraîneront des nuisances pour la faune », observe Francis Redon, président d’Environnement 93.
Afin de mieux savoir l’avis des visiteurs du parc sur le projet de Castro, j’ai réalisé une petite enquête avec un petit questionnaire (qui se trouve en annexe du document). Cette enquête s’est réalisée sur environ 40 personnes que j’ai rencontrées durant une journée que j’ai passé au parc, et a emmené aux résultats suivants :
Environ 35 % n'ont pas entendu parler du projet de Central Park. Les participants jugent à 35 % que le projet de Castro demeure l’occasion de créer une ambiance plus vive et plus belle et une opportunité pour étendre le parc. Cependant, ils sont 65 % à voir de projet comme un risque écologique qui va faire perdre au parc son unicité et ses espaces verts.
Ce qui est le plus remarquant dans ce questionnaire, c’est que dans certains cas des perspectives qui appartiennent à un même projet étaient jugées différemment. Par exemple, dans le cas du projet de Castro, la perspective montrant l’implantation des bâtiments le long du tramway (fig.8) était beaucoup plus appréciée que celle montrant le lac et les bâtis en arrière-plan (fig.10). Dans la première, les participants voyaient surtout une opportunité d’apporter plus de gens au parc et voyaient dans les bâtiments, une sorte de barrière sonore du bruit du train. En revanche dans la seconde photo, l’avis était presque le même pour tous : « On gâche le paysage et le charme du lac, l’endroit qu’on aime le plus dans ce parc ».
Malgré que ce projet de construction de 20 000 logements au sein du parc de La Courneuve « ne verra pas le jour » mais il pose cependant des questions légitimes et cultive les paradoxes sur ses enjeux.
JO 2024 : LE VILLAGE OLYMPIQUE AU CŒUR DU PARC DE LA COURNEUVE
La ville de Paris a été désigné pour l’organisation des Jeux olympiques de 2024. Dans ce contexte, le Département de la Seine-Saint-Denis a vendu à la Solideo, 11 des terrains d’une partie de la zone de l’Aire des Vents et du Terrain des Essences12 pour accueillir le futur village des médias des Jeux Olympiques de 2024. « Ici, ce sera l’image de la France pour 2 000 journalistes du monde entier. Ce site doit être ce que l’on doit faire de mieux, puisqu’il sera l’image de ce que l’on va renvoyer dans le monde » , présente avec enthousiasme Nicolas Ferrand, directeur exécutif de la Solideo.
Pour l’Aire des Vents, il s’agit de mettre en place un écoquartier de 600 logements afin de pouvoir héberger une partie des journalistes qui couvriront l’événement planétaire à l’été 2024, ainsi qu’une cité-jardin de 7 hectares des 27 hectares qui composent ce terrain. Les 20 hectares restants seront transformés en véritable parc départemental plus étroitement relié au parc Georges Valbon et à la ville, grâce notamment à la création de deux nouvelles entrées. « En plus de cette opération, 3 hectares seront plantés d’arbres – 8 200 spécimens selon le Conseil Départemental – et 5 autres hectares seront aménagés en prairies afin d’y développer diverses activités sportives ou de loisirs. Une boucle cyclable restituée de 1,5 kilomètre complétera enfin le dispositif. »14 En outre, le Terrain des Essences doit en effet être dépollué dans la perspective des JO 2024 avant d’être réintégré au Parc Georges Valbon déjà fort de plus de 415 hectares.
La photo comme outil d’analyse d’un site.
L'Aire des vents, c'est un terrain de 27ha qui a été ajoutée en 1980 au parc de la Courneuve. Dès son origine, elle était aménagée pour accueillir des manifestations d’ampleur, comme la Fête de l’Humanité ou le Salon de l’Aéronautique, dont elle servait d’aire de stationnement. Aujourd’hui, elle est inaccessible aux habitants en moyenne 130 jours par an15, et ne bénéficie pas d’équipements propices aux pratiques sportives et de loisirs.
En regardant les figures 14 et 15, on peut voir, peu d’arbres à l’horizon mais une immense surface plane de 27 hectares où le gris des larges allées bitumées s’accorde avec le vert d’une pelouse coupée à ras du sol. On ressent que c’est un espace très fonctionnaliste qui manque de goût, de charme, de caractère. Dans la figure 4, un enjeu très important de ce terrain apparait : on voit au fond de la photo l’aéroport de Bourget. Sa présence et sa façade marque l’espace. L’Aire des Vents étant donc à proximité immédiate de l’aéroport, quelle valeur donc il lui apportera ? N’est-il donc pas un intérêt de concevoir le village des médias des jeux olympiques dans un tel terrain ? « Pour la chercheuse Nathalie Roseau, l’aéroport reste un symbole de souveraineté nationale. On le donne à voir au monde entier. Cela en fait un vaisseau amiral16, au centre de concours d’architecture, où se conjuguent identité locale et volonté d’internationalisation. »
En comparant les images 15, qui est une photo prise de l’Aire des Vents et 16 qui est une photo prise du parc de la Courneuve, on ressent bien une ambiance différente. À l’Aire des Vents, on se sent dans un espace plutôt triste et rationnel alors que dans le parc de la Courneuve, on se sent dans un espace guai, vert, dans un « vrai parc » où on a beaucoup d’arbres, une ambiance sereine et paisible. Ceci explique donc le fait que l’Aire des Vents est très peu fréquenté, presque désertée, vide. Les gens préfèrent en fait aller dans le parc. « Elle reste peu utilisée pour la vie locale car elle est peu accessible et non équipée pour les usages récréatifs et sportifs quotidiens. »
Une image construite de 0:
Cette partie de l’Aire des vents, (fig.17) est complètement vide, délaissée, non fréquenté, sans vie ni intérêt. En revanche, dans la première perspective de JO 2024 (fig.18), on aperçoit une nouvelle vie, un changement complet. L’implantation de cet écoquartier et de ces commerces donnera vie et fonction à cet espace déserté et non fonctionnel. Ce terrain serait bien réaménagé, avec des petites promenades et des espaces publics, où les gens peuvent se rencontrer et communiquer. Des arbres seront plantés, le public sera remmené…une ambiance très agréable et positive. Ainsi on peut voir, que contrairement aux exemples qu’on a vus précédemment, intervenir sur un espace comme le terrain des essences, est un vrai avantage qui permettra de le revitaliser et de lui redonner vie, caractère, fonction et charme. D’ailleurs la perspective du projet, créée de 0, divulgue cet aspect positif.
Un autre exemple d’une perspective construite de 0 : le Terrain des essences (fig.20). C’est une véritable enclave au sein du parc Georges-Valbon, séparé de l’Aire des vents par une gare du tram express T11.
À l’issue des JO 2024, ce terrain connaitra d’ultimes travaux : au Nord du site, 3.65 ha seront conçu comme une zone de refuge pour la biodiversité et la protection d’espèces protégées, au centre, 3,6 hectares seront aménagés pour des activités pédagogiques en lien avec l’observation de la faune environnante et au sud, 5 hectares seront disposés pour l’implantation d’équipements de loisirs et de détente pour les riverains.
Un vrai plaisir de voir le réaménagement de ce terrain (fig.22) avec des voies piétonnes, des espaces verts, des plantations d’arbres, des équipements de loisirs, des espaces publics, des lieux de jeux et de loisirs ou les enfants et les familles peuvent venir passer des journées et s’amuser… Une vraie scène ou l’homme et la nature communique ensemble., un vrai re enchantement urbain.
Bref, une perspective complètement imaginée, surtout dans le cas de sites délaissés, laissera peu de place à la critique et constituera un vrai outil de réaménagement et de valorisation.
Une perspective astucieuse:
Une autre forme de marketing urbain : des perspectives prises d’un angle donné, et montrant des éléments précis du projet. À travers cette perspective de JO 2024 (fig.24), prise depuis la rue D50, qui longe l’Air Des Vents, on voit beaucoup d’aspects positifs du projet : une route piétonne, une piste cyclable avec une petite haie qui la borde, les immeubles cachés derrière des arbres qui longent la rue, implantés d’une façon très légère et intégrée, les personnes qui courent…. Une perspective qui montre le projet d’un angle très bien étudié et bien choisi, une image persuasive du projet.
Les JO 2024 « intensificateur urbain », utiles ou aberrants ?
Comme le projet de Central Park, on aura des avis différents sur le projet je JO 2024.
Les collectifs de riverains et les associations de défense de l’environnement vont protester contre la réalisation de ce projet dans le parc de la Courneuve. Ils considèrent que c’est un risque pour l’écosystème. "Nous allons défendre notre projet devant la justice car il a du sens. Il a du sens pour les habitants et pour le territoire. Il a du sens parce qu’il va permettre de relier la gare à la ville de Dugny, il recrée du lien entre le parc Georges Valbon et l’Aire de Vents, il assure la dépollution et la renaturation de l’ensemble des sites, il tient compte des espèces naturelles présentes et leur assure un nouvel habitat, confortable, préservé et agrandi à terme", déclare Nicolas Ferrand, le directeur général de la Solideo.
"L'héritage des Jeux olympiques, pour le 93, ce sera toujours plus de béton, des prix en hausse, la chasse aux pauvres, une dégradation de la qualité de l'air, et une réduction des espaces verts mettant en danger notre santé." Collectifs citoyens contre les JOP.20
Avec des avis opposés, l’enquête menée sur le terrain a donné les résultats suivants : Environ 55% des participants ne connaissaient pas le parc de l’Aire des Vents et ne l’ont jamais visité. Cependant à travers les images des projets que j’avais mises environ 60% étaient avec la réalisation de ce projet qu’ils ont trouvé avantageux, et donnant valeur à ces terrains. 40% s’y sont opposés, pour des raisons écologiques et de perte d’espaces verts.
LE PLUS GRAND LAC ARTIFICIEL DE BAIGNADE ECOLOGIQUE D'EUROPE EMERGERA EN 2022 À LA COURNEUVE
En 2022, de nouveaux bassins de baignade seront créés dans le parc Georges-Valbon, à La Courneuve. Un lac artificiel de 15 000m2 permettra d’accueillir entre 2 800 et 3 000 personnes par jour. Quatre zones sont prévues : un espace ludique et familial de 3 500 m², un espace de jeux de 4 000 m², un espace de baignade autonome de l'ordre de 5 000 m² et un espace dédié à la nage de 2 500 m².
« Le parc a bien un lac, mais on ne peut pas s'y baigner, ce qui est frustrant quand on a les températures caniculaires de ces derniers jours. Avec l'évolution climatique, ces îlots de fraîcheur vont devenir indispensables. Ça permet aussi de diversifier les activités des parcs ». Stéphane Troussel, président PS du conseil départemental
En comparant les deux images, on voit que l’ambiance ne changera pas trop, puisque l’eau existe déjà. Cependant en se transformant en bassin de baignade, cette partie du parc va être beaucoup plus fréquenté et beaucoup plus valorisé, surtout durant les saisons chaudes. La fig. 27 montre un espace très guai, très positif, très attirant alors qu’aujourd’hui ce petit lac est très peu fréquenté par rapport aux autres. Il est presque vide, sans valeur social.
Contrairement aux projets évoqués avant, ce projet ne conçoit aucune construction ou architecture. Cependant, en intégrant fortement l’Homme dans sa composition, la perspective de ce projet attire le public, lui donne le sentiment qu’il est l’élément majeur de ce projet qui a été fait uniquement pour lui, pour son repos et sa satisfaction.
CONCLUSION
En somme, la photographie demeure aujourd’hui le premier média utilisé pour communiquer l’architecture. Elle est considérée comme un moyen permettant de prévoir une situation future dans des conditions actuelles. Elle permet d'influencer le présent pour mettre en œuvre des états dans le futur qui feront l'objet d'un partage pour devenir collectifs à travers la réalisation du projet.
L’image demeure ainsi un outil important de préfiguration d’un projet. Cependant, elle ne projette pas toujours la réalité, elle idéalise les situations pour des finalités de vente et de commercialisation. En comparaison avec l’étude que mène Ricœur sur la métaphore, le projet d’architecture dénote le réel par ses représentations, « dans la mesure où [elles] ‘‘font’’, ‘‘défont’ et ‘‘refont’’ la réalité »
Dans les trois projets qu’on a étudié dans ce rapport, on a bien vu le rôle majeur que joue l’image dans la compréhension et l’analyse des projets d’architecture et de paysage : les messages qu’elle véhicule, les codes, les clichés qu’on retrouve partout, la comparaison entre les images d’aujourd’hui et les images de demain… Tous ces outils nous ont permis de mieux comprendre ces projets et leur impact sur le parc de la Courneuve. L’image est donc, un vrai outil d’analyse paysagère, urbaine et surtout sociale, mais la plupart du temps loin de la réalité, un monde de rêve, d’art, d’imagerie.
Finalement, à quel point la perspective architecturale pourrait-elle, à travers son côté idéaliste, susciter l'imaginaire humain à concevoir réellement de meilleurs espaces ?
« En photographie, il y a une réalité si subtile qu'elle devient plus réelle que la réalité. »
- Alfred Stieglitz-
BIBLIOGRAPHIE
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BERNARDI Kevin. Paris 2024 : Le renouveau annoncé de l’Aire des Vents et du Terrain des Essences. 2021
Chemetov P., 2000, « Le tramway entre fonction et fiction », Urbanisme n°315, pp. 89-90. Communes de La Courneuve, Dugny, Le Bourget. Enquête publique unique. 2019 DELAHAYE Olivier. Avec Paris 2024, le parc de La Courneuve prend de l’ampleur. 2021
GOTH Dorine. Jeux Olympiques en Seine-Saint-Denis. "Le Village des médias sera l'image de la France dans le monde".2021
HAJERA Mohammad. JO Paris 2024 : quel avenir pour le village des médias en Seine-Saint-Denis ?
2021
IBELAÏDENE Jessica. Comment l'Aire des vents compte profiter de l'élan donné par les Jeux olympiques. 2021
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Le tourisme de Seine-Saint-Denis. Parc Départemental de la Courneuve Georges Valbon. 2016 MECARSEL Joseph. Architecture et présence : entre idée, image et communication. 2017 NOIROT Julie. La photographie d’architecture, un art de la traduction ? 2010
OZDOBA Marie-Madeleine. L’image dans ses usages projectifs, réflexions de synthèse. 2013
POUSIN Frédéric et KERAVEL Sonia et LOZE Marie-Hélène. Les temps du projet au prisme de la photographie.2017
REVEL Florent. De l’image d’architecture. 2016
THOMAS Sébastien. Des bassins de baignade vont être créés dans les parcs du 93. 2019
Troussel Stéphane. Il faut passer du "Central Park du Grand Paris" à un projet partagé par tous. 2015
VAN EECKHOUT Laetitia. Mobilisation contre le projet de « Central Park » à la française à La Courneuve. 2015
VAYE Marc. La représentation photographique de l’architecture. L’état des choses”. 2018
ANNEXE :
Questionnaire : Le parc de La Courneuve et les projets à venir
Je travaille sur la thématique des projets à venir dans le parc de la Courneuve. Je vous montrerai ci- dessous des images de différents projets envisagés à être construit au parc en 2024. J’aimerais avoir votre avis et vos ressentis sur chacune de ces perspectives. Merci de me donner quelques minutes de votre temps pour répondre à ce petit questionnaire.
Le projet de Central Park de Castro
1.Avez-vous déjà entendu de ce projet ? Si oui, qu’est ce que vous en savez ?
2. Pouvez-vous me décrire en quelques mots ce que vous pensez de cette photo ? Aimerez-vous voir ça dans le parc aujourd’hui ? Ou préférez-vous que le lac conserve son caractère actuel ? Qu’est-ce qu’il vous a marqué le plus dans cette image ?
3.Enfin, êtes-vous pour ou contre la réalisation de ce projet ?
Le projet de JO 2024
1.Avez-vous déjà entendu de ce projet ? Si oui, qu’est-ce que vous en savez ?
2.Pouvez-vous me décrire en quelques mots ce que vous pensez de cette photo ? Aimerez-vous voir ça dans le parc aujourd’hui ? Ou préférez-vous que le lac conserve son caractère actuel ? Qu’est-ce qu’il vous a marqué le plus dans cette image ?
3.Enfin, êtes-vous pour ou contre la réalisation de ce projet ?
Merci pour votre temps